Le 21 octobre 2025, le Japon a franchi un cap historique en élisant Sanae Takaichi au poste de Premier ministre, faisant d’elle la première femme à diriger le gouvernement japonais depuis la création de cette fonction en 1885. Cette nomination marque un tournant symbolique pour l’archipel nippon, bien que la nouvelle dirigeante conservatrice s’inscrive dans la continuité idéologique de son parti, le Parti libéral-démocrate (PLD).
Une élection historique dans un contexte de crise politique
Sanae Takaichi remplace le Premier ministre sortant Shigeru Ishiba, après que le PLD a subi des pertes désastreuses lors des élections de juillet à la chambre haute du Parlement et perdu sa majorité à la chambre basse. Cette cinquième nomination à la tête du gouvernement en cinq ans témoigne de l’instabilité politique chronique que traverse le Japon.
La chambre basse du Parlement a désigné cette femme politique de 64 ans dès le premier tour avec 237 voix, dépassant la majorité requise de 233 voix. Sa nomination est devenue officielle après sa rencontre avec l’empereur Naruhito.
Une alliance fragile pour gouverner
Pour assurer son élection, Sanae Takaichi a formé une alliance avec le Parti japonais pour l’innovation (Ishin), une formation réformatrice de centre droit. Cette alliance improvisée n’a cependant pas de majorité dans les deux chambres du Parlement et devra courtiser d’autres groupes d’opposition pour faire passer des lois, un risque qui pourrait rendre son gouvernement instable et éphémère.
Cette coalition fait suite à la rupture avec l’allié traditionnel du PLD, le parti centriste Komeito, qui a quitté leur coalition en place depuis 1999, mal à l’aise avec le scandale financier qui touche le PLD et les opinions conservatrices de Sanae Takaichi.
Qui est Sanae Takaichi ?
Représentante de la préfecture de Nara et figure du conservatisme national, Sanae Takaichi a attendu plus de trente ans de carrière politique pour parvenir au sommet de l’État. Protégée de l’ancien Premier ministre assassiné Shinzo Abe, elle devrait s’inspirer de ses politiques, notamment en renforçant l’armée et l’économie.
Fille d’un commerçant de Nara, passionnée de musique, elle fut batteuse dans un groupe universitaire de heavy metal durant ses études, un parcours atypique pour une figure politique aujourd’hui présentée comme la “Margaret Thatcher nippone”.
Une conservatrice aux positions controversées
Admiratrice de l’ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher, Sanae Takaichi fait partie des personnalités politiques japonaises qui ont fait obstruction aux mesures en faveur de la promotion des femmes. Elle soutient la succession exclusivement masculine de la famille impériale et s’oppose à l’autorisation de noms de famille distincts pour les couples mariés.
Également connue pour son attitude intransigeante envers la Chine, elle est soutenue par l’aile conservatrice du parti et a axé son programme politique sur le renforcement de la défense nationale et de la sécurité économique. Elle aurait récemment déclaré qu’elle n’hésiterait pas à demander la renégociation des droits de douane avec les États-Unis si certaines parties de l’accord étaient injustes ou préjudiciables pour le Japon.
Des défis économiques et diplomatiques majeurs
La nouvelle Première ministre s’est engagée à renforcer l’économie japonaise et à refondre le Japon pour en faire un pays capable d’assumer ses responsabilités envers les générations futures. Elle doit rapidement s’attaquer à la hausse des prix et élaborer des mesures de relance économique d’ici fin décembre afin de calmer la frustration de la population.
Un agenda international chargé l’attend, notamment avec la visite du président américain Donald Trump la semaine prochaine. Sanae Takaichi a cité l’alliance nippo-américaine comme une pierre angulaire de la diplomatie japonaise et a souligné que le Japon est un partenaire indispensable pour les États-Unis dans sa stratégie visant à faire contrepoids à la Chine dans la région Indo-Pacifique.
Le pays est confronté à des défis existentiels sous l’effet cumulé du vieillissement de la population et de la crise démographique, avec une inflation galopante, notamment du prix du riz, une croissance atone et une démographie en berne.
Un symbole ambigu pour l’égalité des genres
Si Sanae Takaichi a marqué l’histoire en devenant la première femme à diriger un pays où les hommes dominent encore largement, elle n’a pas promu l’égalité des sexes ni la diversité. Cette contradiction souligne la complexité de sa nomination historique dans une société japonaise encore profondément patriarcale.
L’arrivée de Sanae Takaichi à la tête du gouvernement japonais représente un moment charnière pour l’archipel, entre avancée symbolique et continuité politique. Sa capacité à naviguer dans un paysage parlementaire fragmenté tout en relevant les défis économiques et démographiques du Japon déterminera la durabilité de son mandat dans un pays habitué aux Premiers ministres éphémères.
